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A partir du 23 avril, les Français ne consomment plus que du poisson importé

mai 12, 2023

Si les Français n’avaient consommé que des produits de la mer pêchés ou élevés en France depuis le 1er janvier, le 23 avril signerait alors le dernier jour de l’année où il serait possible de s’en procurer. Ce jour théorique de la dépendance au poisson importé intervient 20 jours plus tôt qu’il y a 11 ans. Dans ce contexte, l’ONG Aquaculture Stewardship Council (ASC), dont l’objectif est de transformer l’aquaculture pour la rendre plus respectueuse de l’environnement et plus responsable socialement, appelle consommateurs et acteurs de la filière à privilégier une aquaculture plus responsable.
Un nouveau recul significatif

11 691 000km². C’est la surface de la plus grande Zone Économique Exclusive au monde, celle de la France. Une médaille d’or qui atteste de l’espace conséquent dont le pays dispose pour la pêche et l’aquaculture. Pour autant, la France est le 5ème plus gros importateur de produits de la mer au monde[1].

En effet, l’Hexagone produit seulement 30,8% de sa consommation de produits de la mer[2]. Ramené à une année, cela signifie que le jour de la dépendance au poisson importé intervient le 23 avril 2023 en France. Une date symbolique qui tombait le 21 mai 11 ans plus tôt.

 

Un constat qui implique une pression supplémentaire sur les stocks mondiaux de poisson alors que 34,2% d’entre eux se trouvent déjà surexploités. 3 fois plus qu’il y a 50 ans. Une situation qui questionne.

 

Pourquoi ne pas arrêter de consommer du poisson ?

La question peut se poser, mais un tel arrêt pourrait mener à un report conséquent sur d’autres sources de protéines et systèmes de production.

Avec une consommation annuelle de 33,5kg[3] de produits de la mer par Français, un tel report impliquerait des impacts, notamment carbone, conséquents. Le poisson étant relativement faible en comparaison avec d’autres protéines animales. La production d’1 kg de protéines sous forme de viande de bœuf, par exemple, émet en moyenne 99,5 kg d’équivalent CO2. Presque 8 fois plus que le poisson d’élevage et 4 fois plus que la crevette d’élevage[4].

Au-delà de ses apports en protéines, le poisson constitue également une bonne source en oligo-éléments comme les vitamines D et les acides gras oméga 3.

Local, importé et si c’était plus complexe que ça ?

La production française ne permet pas de se substituer aux quantités importées chaque année, qui sont de l’ordre de 1 832 000 tonnes contre 652 000 tonnes[5] produites en France. L’explication se trouve en partie dans les préférences alimentaires des Français, comme le précise une équipe de chercheurs de l’Université de Bretagne occidentale, de l’Ifremer et du CNRS. « La consommation de produits frais, notamment de poissons, est majoritairement basée sur des produits importés (saumon, cabillaud) plus que sur des produits frais débarqués des ports français. ». Oui, le saumon, le thon et la crevette restent les produits de la mer préférés des Français*.  Des espèces que l’on ne trouve pas forcément sur les côtes françaises.

Mais pour l’ASC, le principal enjeu est ailleurs. En effet, les systèmes alimentaires, qu’ils soient locaux ou mondiaux, sont soumis aux mêmes défis, comme l’effondrement des écosystèmes et l’insécurité alimentaire. Des défis sur lesquels l’ASC, via son programme de certification équivalent en tous points du globe, souhaite agir.

Des pratiques plus responsables à généraliser

« L’aquaculture représente plus de la moitié des poissons consommés dans le monde et la FAO compte sur ce secteur pour contribuer à nourrir la population mondiale croissante. Face à cette demande, les milieux aquatiques sont soumis à de fortes pressions. Il est donc indispensable d’adopter des pratiques d’élevage plus respectueuses de l’environnement et des droits humains. » assure Camille Civel, ingénieure agronome et directrice ASC France.

Si 57% des Français indiquent se renseigner spécifiquement sur l’origine durable des produits de la mer qu’ils achètent[6], au regard des enjeux environnementaux entre autres, ce critère de sélection ne peut suffire. L’ASC œuvre ainsi pour apporter davantage de transparence sur les pratiques d’élevage. Des pratiques qu’elle souhaite plus responsables et durables pour l’ensemble des acteurs du secteur. A ce titre, elle a développé un programme de certification volontaire et entièrement indépendant à destination des fermes aquacoles, fournisseurs et distributeurs. L’objectif ? Rendre l’ensemble de la chaîne de valeur vertueuse et donner aux consommateurs une assurance que les critères scientifiques et mesurables de ses référentiels sont respectés. Pour s’en assurer, chaque année et pour chaque ferme, des auditeurs indépendants contrôlent ces différents critères, par exemple qualité de l’eau, habitats sensibles, traitements médicamenteux, respect des droits des salariés, bien-être animal et aliment.

L’ASC travaille ses référentiels en profondeur dans le but de limiter au maximum l’incidence de l’élevage des produits de la mer sur l’environnement et le bien-être animal. C’est le cas du référentiel aliment qui s’attaque à l’un des plus grands impacts de l’aquaculture : la production d’aliments pour poissons et crustacés. L’ONG a travaillé de manière holistique en exigeant un approvisionnement responsable pour tous les ingrédients présents à plus de 1% dans l’aliment. Mis à jour en début d’année, ce référentiel va encore plus loin pour l’un des principaux facteurs d’impact : la fabrication des aliments pour animaux et de leurs matières premières.

 

Sensibiliser les consommateurs

Privilégier une aquaculture plus responsable, comme le prône l’ASC, constitue une partie importante de la solution. Pour aller au-delà, l’ONG conseille également de mesurer sa consommation et de varier les espèces. Elle encourage par exemple à découvrir des poissons herbivores comme le tilapia, mais aussi des espèces que l’on retrouve en Europe comme le turbot ou encore sur le bassin méditerranéen, c’est le cas du bar et de la dorade. Des produits de la mer qui peuvent être, eux aussi, issus d’une aquaculture responsable.

« Quelle que soit l’option choisie, privilégier un produit de la mer issu d’un élevage responsable sur les plans environnemental et social, doit être prioritaire. Qu’il s’agisse d’espèces locales ou importées. » conclue Camille Civel.

 

[1] The State of World Fisheries and Aquaculture 2022.

[2] FranceAgriMer – Chiffres-clés des filières pêche et aquaculture en France en 2022 / En milliers de tonnes et en équivalent poids vif.

[3] FranceAgriMer, Kantar Worldpanel, Eumofa

[4] Infographie Les Echos : Poore et Nemecek, 2018 / Hannah Ritchie et Max Roser, « Impacts environnementaux de la production alimentaire », 2020 (OurWorldInData.org)

5 Rapport FranceAgriMer 2022

*Saumon, thon et crevettes sont respectivement importés à hauteur de 182 000, 140 000 et 114 000 tonnes d’après le dernier rapport sur le commerce extérieur des produits de la pêche et de l’aquaculture.

[5] FranceAgriMer – Chiffres-clés des filières pêche et aquaculture en France en 2022

[6] Consummer survey ASC 2022

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